La Puissance Chamanique au Service d’un Post-Rock Ardent
De La Crau est un groupe-phare du « regain marseillais« , tour-à-tour Rock, Punk et Folk, mâtiné de poésie moderne. Sam Karpienia chante un provençal rugueux et hors-sol, distordu par les riffs entêtants de guitare électrique ou de mandole. Thomas Lippens y martèle la transe à coups de percussions et de bois fer- raillés. Manu Reymond, à la contrebasse, fait grincer et mordre son archet dans des séquences rythmiques syncopées qui mènent à l’extase.
De l’enfer industriel de Fos-sur-Mer à la rive arlésienne du Rhône, La Crau – dernière steppe d’Europe occidentale – fait le lit du réel.
Des amas de rocaille, cette ancienne mer abandonnée en a roulé et en roule encore dans la furie du vent. Une voiture qui traverserait de part en part ce petit désert filerait droit sur des dizaines de kilomètres, dans des paysages qu’un Hopper ou un Walker Evans auraient rendu américains sans effort.
C’est sur les fonds de cette mer bordée d’usines, assoupie dans la sobriété de son déploiement immense, que les trois musiciens de DE LA CRAU ont imaginé la bande-son de leur périple. Ils sont partis d’un chant qui éventre les cieux, auquel répondent en puissance et en poésie la contrebasse, les percussions et le déchainement extatique de la mandole.
C’est dans cette étendue post-industrielle que Lou Reed croise enfin Matar Mu- hammad. Là on imagine leur rencontre, sous la plume d’un Sam KARPIENIA inspiré comme jamais, emmené à son apogée par l’archet sombre et vigoureux de Manu REYMOND et le set coloré de Thomas LIPPENS.
Ils explorent à présent un sillon creusé il y a une vingtaine d’années, non loin des usines, comme une plaie qu’ils continueraient de soigner pour l’éternité, et que le chant et la mandole ne parviendraient à apaiser que dans l’amplitude âpre de ces horizons.